PREAMBULE :
ÉLOGE DU KIMONO.(extrait du CATALOGUE de l’exposition: « Mémoires de soie » d’H. Matchavariani/ copyright)
Il est des étoffes de rêve comme il est des portes d’ivoire ou de corne que l’on pousse au plus profond du sommeil ; chaque pli peut dévoiler un pan d’un tableau infernal ou céleste.
Car le kimono aime non seulement celui qui le porte, ailant les omoplates, lissant les obliques, mais il choisit l’acteur de son désir. Il l’anime de son feu doux, moelleux parce qu’il veut lui offrir une seconde naissance, un envol de soie ou de crêpe, une sculpture fibreuse, moins polie que le marbre, moins froide que le métal, mais promise à l’éther, à des galaxies ou des corps qui tournent, enfin orientés, dans la moire de filandières fabuleuses, sans éclats, sans cassures.
Ici-bas, nous tissons cette demeure, ce lieu d’où nous fûmes expulsés avec la vertu des chenilles parfois patientes, parfois téméraires ouvrières.À l’aune de notre mémoire, nul Orient, nul Occident ; ni envers, ni endroit. Nous n’accumulons plus bobines de laines, écheveaux d’or ou d’argent, coupons de brocarts.
Nous sommes le sexe indécis, le jeu des nuages et de la pluie, le yin et le yang, le noir et le blanc, le nouvel homme dans son vrai luxe. Et nous ne cesserons de nommer les parures -splendeurs des civilisations – sans céder aux tentations des voiles et des drapés.
Nous avons écarté tout péché au contact de la peau ondoyée par le kimono, tel un jade violet sculpté dans le chaos des veines, le magma bouillonnant du sang.
Nous regardons car on peut regarder sans avoir peur de ce qui s’offre dans l’échancrure, ce qui se déploie dans le mouvement d’une manche. Nous regardons cette composition qui varie selon les saisons avec le sourire de l’éternel été. Nous touchons la couronne de beauté comme nous avons porté enfants à notre oreille la spirale d’un coquillage.
Cela est. Cela vibre.