160x160_f4a671e83abea0d32dd2607013246f0a6984f097 Enki Bilal, Les Fantômes du Louvre, Paris, Futuropolis, novembre 2012, 144 pages.

 

Ni roman graphique ni bande-dessinée, « Les Fantômes du Louvre » est une œuvre à part comme le lieu qui l’inspire. Comme son sujet: les fantômes. Un sujet universel omniprésent dans toutes les religions et toutes les cultures.

Étymologiquement, un fantôme, du grec, « phantasma » désigne le reflet d’une personne morte. Ce sont ces reflets de personnages connus (le sculpteur Aloyisias Alevratos, auteur de « la victoire de Samothrace »), méconnus (le modèle éponyme de Dürer, « Melencolia Hrasny ») ou inconnus (« Bella de Montefalco », maudite disgraciée de la nature). Nombreux sont d’ailleurs les inconnus, hommes ou femmes, égéries ou jouets du Destin, qui ont laissé une trace singulière.

Ainsi selon la légende, Longin, soldat romain, aurait la faculté d’apparaître sur chaque tableau représentant Jésus crucifixié. Plus tard, au XVIème siècle, un compagnon de Rubens, en peignant une nature morte, est saisi d’effroi à la vue d’une tête de noyé, au milieu de poulpes et de poissons.

Tous ces fantômes errent par conséquent auprès de l’œuvre qui a bouleversé leur vie; une œuvre si »chargée » d’histoire et d’émotion que le dessinateur les a d’abord photographiées, avant de choisir vingt-deux tirages retravaillés à l’acrylique et au pastel. Les touches de couleurs, bleu lapis ou vert malachite, semblent rendre hommage et en même temps conjurer les manifestations produites par l’ombre des morts.

En effet, ces portraits, surgis des méandres du musée, ne laissent pas indemnes car ils obligent à la réflexion sur l’énergie paraphysique qui semble s’échapper de ces murs… Les Pères de l’Église ont évoqué dans leurs écrits, les Éthiopiens, fantômes attachés aux hommes solitaires. Un fantôme persistant n’a plus rien de commun avec l’entité humaine dont il est issu. C’est devenu un démon.

Enki Bilal nous fait donc frissonner avec ses visions de mort violente…