Guillaume-Cuchet-–-Les-voix-d’outre-tombe-190x300Tout commence aux États-Unis. « Les Voix d’outre-tombe » résonnent en 1848, à l’Ouest de l’État de New-York, dans une maison hantée… Non, il ne s’agit pas seulement d’une simple « spook story » (histoire de revenants). Avec méticulosité, l’historien et universitaire Guillaume Cuchet nous narre la Conquête de l’outre-monde. Une histoire qui débute par des jeux d’enfants et va se propager dans le Nord-Est de l’Amérique, avant de traverser l’Atlantique.

Dès le début des années 1850, la France va se passionner pour le phénomène des « tables tournantes ». Un phénomène qui touche toutes les catégories sociales, des plus modestes aux plus huppées. Pourquoi? C’est à cette question complexe que l’essai de Guillaume Cuchet tente de répondre. En pleine révolution industrielle, en pleine crise spirituelle, l’époque semble favorable à la théorisation d’une nouvelle forme de religiosité. D’où l’importance d’Allan Kardec, le pape du spiritisme, auteur d’un manifeste: Le Livre des Esprits (1857). Et l’émergence de penseurs de l’au-delà, aujourd’hui méconnus tels André Pezzani ou Zéphyre-Joseph Piérart. Puis une floraison de romans ou de nouvelles tombés dans l’oubli, excepté Spirite de T. Gautier: récit d’un amour impossible entre une âme errante et Guy de Malivert, dandy blasé des beaux quartiers.

Toutefois Allan Kardec minimise l’apport américain afin d’assurer sa suprématie spiritualiste et convaincre ses contemporains que le dogme de la réincarnation l’emporte sur celui de la résurrection. Il critique le modèle américain, jugé trop commercial pour se définir comme un puriste. Il arrive à ses fins car il bénéficie d’un contexte favorable, tant sur le plan politique que technique: l’essor des communications rebaptise le spiritisme, « télégraphe spirituel ». Un télégraphe polyvalent. Chacun y vient piocher les messages qu’il souhaite. S’il y a révélation, celle-ci nous paraît évidente, avec le recul des siècles. Oui, l’analyse de Guillaume Cuchet nous permet de distinguer entre spiritisme ludique; spiritisme thérapeutique ou spiritisme de conviction.

Il en ressort le besoin viscéral de l’être humain de théâtraliser la mort, de la mettre en scène afin de la rendre moins insupportable. Le principal point commun entre religion catholique et chapelle(s) spirite(s): la prière aux défunts.

Dans un autre essai, ancien, mais fondateur, intitulé Principes d’une sthétique de la mort, Paris, Corti, 1967, le critique littéraire Michel Guiomar évoquait « le Fantastique de reconquête » à propos des artistes qui n’acceptent pas le principe de Thanatos.

Avec ses outils d’historien, Guillaume Cuchet, en octobre 2012, nous montre que les adeptes du spiritisme n’ont pas renoncé, à ce que M. Guiomar appelait joliment, une « résidence conceptuelle dans l’Au-delà », parce que le terme « Mort » ne recouvre jamais une réalité vague, mais un mystère qui nous dépassera toujours.

 

Guillaume Cuchet, Les Voix d’outre-tombe, Paris, Le Seuil, collection L’Univers historique, 448 p., 26E.