19052212Frankenstein et autres romans gothiques, Bibliothèque de la Pléiade, éditions Gallimard, préface et notes par Alain Morvan, 2014.

 

Il est rare que j’évoque l’actualité sur ce blog. Après la fusillade fatale du 7 janvier 2015 à Charlie Hebdo, après toutes les réflexions médiatiques sur les attentats et la violence organisée, je reviens à mes classiques, à mes pythies : cinq chefs d’oeuvre du gothique publiés dans la prestigieuse collection de la Pléiade. Il s’agit du  Château d’Otrante d’Horace Walpole, de Vathek de William Beckford, du Moine de Matthew Gregory Lewis, de L’Italien d’Ann Radcliff et du célèbre Frankenstein de Mary Shelley.

Cinq plongées dans les abysses du Mal et de la peur.

Je me suis souvent demandé pourquoi j’ai toujours été saisie par la tonalité sombre de la littérature gothique, et de façon plus générale, par le registre fantastique. N’oublions pas que « fantastique », désigne ce qui n’existe qu’en imagination. Une faculté qui permet d’appréhender le possible, selon Charles Baudelaire. Et de se représenter l’irreprésentable.

Dans sa préface de la Pléiade, le critique Alain Morvan apporte des éléments de réponse:

« (L)a sensibilité gothique s’inscrit dans un certain sens (…) dans un rejet de la modernité. Elle procède pour une large part d’un sentiment d’insatisfaction devant la vacuité d’un monde dont on a voulu exclure la peur ».

La Création première, celle dont nous parle la Bible, aurait été manquée. Le XVIII ème et le XIXème siècles ont rêvé de la refaire, et ont échoué. Deux siècles plus tard, on constate que l’être humain n’a pas changé, capable du meilleur comme du pire.

Manque d’éducation ? Ignorance ? Pure bêtise ? Lavage de cerveaux ?

Au XXIème siècle, le quidam devient personnage de roman gothique, où peut l’emporter l’impuissance face aux forces maléfiques. Comme l’explique Alain Morvan dans cette édition de la Pléiade, « (l)a terrible vigueur du récit gothique est de faire du destin une force à la fois repérable et inéluctable« .

Viatique contre la peur, le roman noir nous oblige à voir la vérité en face: les hommes ne sont souvent pas des hommes. Mais des bactéries prêtes à dévorer n’importe quel cadavre pour satisfaire leur instinct de survie et leur pulsion agressive. Si notre siècle est marqué par d’immenses progrès scientifiques, il met en déroute la notion de progrès moral.

A nous d’inverser le précepte de la créature dans Frankenstein: « Le Bien désormais devint mon Mal« . Et d’affirmer la liberté d’expression. Un éclat de rire qui couvre le cri primal de la peur.

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