Marc Kiska, Les Vestiges d’Alice, Milly-la-forêt, éditions Tabou, 224 pages, 15 euros.

( livre en librairie depuis le 20 octobre)

 

J’ai rencontré Marc, grâce à la littérature, puisque ce dernier avait dirigé en 2004, une organisation avec Ariane Gelinas, une auteur canadienne, intitulée L’Orchestre Fantômatique. Cette  maison d’édition avait publié deux anthologies dont une consacrée aux anges, intitulée « Un ange passe ». J’y avais publié une nouvelle, « L’ange dernier cri », clin d’œil à la culture underground et au mythe de l’androgyne. A cette époque, Marc vivait déjà en Norvège.

Une dizaine d’années plus tard, ce dernier m’envoie son roman écrit au couteau, plutôt qu’à la plume. Il s’agit d’un roman sur l’adolescence et les amours entre garçons. Certes, le style est cru, à la limite du pornographique pour certains lecteurs, mais vrai. Il épouse la violence contemporaine et matérialise l’angoisse que ressent Henri, le héros de ce pays des merveilles d’une jeunesse sans pères et presque sans personne à qui parler.(excepté une grand-mère indigne et fabuleuse, prénommée Germaine).

Sa mère « lui en veut d’avoir grandi trop vite, d’être devenu en si peu de temps un de ces adolescents à la traîne, et elle s’en veut de n’avoir rien fait pour l’empêcher(…) Qu’a-t-il fait, si ce n’est aimer la mauvaise personne ? Son corps plein d’hormones et sa tête pleine d’aventures, comment aurait-il pu gérer tout ça d’une autre façon ? »

Toutefois, après avoir rencontré son mauvais ange, Max, Henri retrouve une forme d’innocence en croisant Gaël, un garçon roux, qui lui permet d’oublier la ville en courant dans la forêt, et de retrouver une animalité dépourvue de perversité. D’objet sexuel, Henri devient un sujet désirant recueillir les « vestiges d’Alice ».

Marc Kiska a écrit une histoire d’anges rebelles qui sent la sueur, le sperme, l’urine et le cacao. Son originalité est d’être un roman olfactif.  J’ai été aussi  sensible au manifeste contre le « gratin bien-pensant avachi devant des écrans plats », les « bourreau(x) de l’enfance » qui ont « no(yé) leurs aspirations et leur imagination dans un océan de caféine.

L’opposition entre chocolat et café sert de ligne de démarcation entre adolescents et adultes. Ceux qui ne boivent plus de cacao ne pourront plus sauter dans le « terrier » d’Alice.

Dommage pour ceux qui ont perdu leur « force imaginante », selon la belle formule de Gaston Bachelard. ( Introduction à L’Eau et les Rêves)