le_magicienLes vampires ont toujours hanté notre imaginaire. Depuis l’Antiquité, dans toutes les civilisations.  L’Assyrie a connu le démon femelle Lilithû; l’Empire romain, les Lamies et les Goules. Plus près de nous, l’Europe de l’Est a eu son « épidémie » de revenants, au XVIIIème siècle. Une épidémie qui passionna les esprits, jusqu’à ce que les philosophes,en particulier Voltaire s’en mêle. C’est une « mode » selon lui, entretenue par l’Église catholique… Un reliquat des superstitions populaires.

Au-delà des contes et des légendes, la littérature anglosaxonne donnera ses lettres de noblesse au vampirisme et à la sensualité, au XIXème siècle. Avec la « Lamia » du poète anglais Keats, en 1820, et avec « Dracula » de l’écrivain irlandais Bram Stoker, en 1897. Mais aussi avec le vampire débauché, Lord Ruthven de Polidori. Pourquoi le XIXème siècle? Parce que les écrivains s’insurgent contre le matérialisme et l’hypocrisie morale de leur époque.

Le vampirisme permet d’évoquer le tabou de l’homosexualité sans choquer. Témoin « Carmilla » de Sheridan Le Fanu. Un récit d’une passion saphique de 1890.

Mais au XXIème siècle, que faut-il retenir de cette figure de la transgression? À leur manière – réaliste, humoristique ou fantasmatique, les auteurs de cette anthologie répondent. C’est la société qui a changé. Une société de consommation. Une société de marchandisation. Le vampire est ici un symbole polymorphe du « tout tout de suite » de la génération Y. De la déshumanisation par « l’icône Facebook », évoquée dans la nouvelle, « La Nuit Gothique »d’Héliodore. De la difficulté à s’étonner dans un monde saturé d’images et de divertissement. Ainsi « La Vamp » de Sara Agnès L s’ennuie. Et la plupart des héros vampiriques, héritiers du dandysme baudelairien, promènent leur désenchantement, de nuit en nuit.

Avec des mots parfois crus – il s’agit de nouvelles érotiques- les auteurs nous font réfléchir. Au « risque de partager une émotion », selon la formule de Servane Vergy. Au risque d’être incube ou succube. C’est-à-dire de perdre l’émerveillement face aux mystères de l’univers. Cette faculté d’émerveillement, porteuse d’un avenir, car le rendant possible. Au contraire de la peur, négation de la vie. Car l’émerveillement s’oppose à l’existence solitaire du vampire. D’où le rêve d’un amour fou qui traverse le recueil… « Fou » parce que fondé sur la mise à mort d’autrui.

Point commun avec leurs illustres prédécesseurs, tous les vampires de cette anthologie sont beaux et veulent conserver leur forme animale. Par conséquent ne pas trépasser. Au-delà de son aura érotique, le vampire nous fascine encore parce qu’il nous raconte une histoire de vie et de jeunesse éternelles, alimentant notre narcissisme fondamental. Ce Moi idéal cultivé par les écrans et par les nouveaux media. Ce Moi qui n’existe pas et que chacun poursuit dans ces nouveaux miroirs contemporains du Sur-homme.