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Hommage à Gerald Messadié

 

Gerald a été baigné par la lumière du Nil, éclairé par un soleil cru à force d’intensité.

D’où peut-être ce regard incisif au sens propre et figuré. 

Il a incarné la puissance solaire d’un signe de feu, la détermination d’apporter la lumière sur des faits oubliés ou des phénomènes inexpliqués.

 

Né sous le signe du Lion, Gerald n’a jamais eu les yeux en dessous.

Il vous regardait toujours droit dans les yeux comme s’il voulait savoir quel animal il avait devant lui. Adorant les animaux, ce grand écrivain croyait à l’importance de la communication non verbale, aux phéromones de l’attraction et de la répulsion.

Comme il nous l’a écrit à Etienne et moi-même en 2014, « dès son plus jeune âge, il considéra le logos adulte comme un costume de scène que les adultes enfilaient quand ils se présentaient aux regards… »

 

Notre amitié est née grâce à un livre que j’étais en train d’achever sur une femme au verbe haut, Maria-Deraismes. Mon nom de jeune fille « Leloup » avait dû l’amuser. Il appréciait d’ailleurs les loups au point d’avoir peint un tableau avec un loup totémique en colère…

 

Notre amitié s’est développée au fil des rencontres de travail et des échanges plus personnels. A chaque rendez-vous dans le VIIIème, il plongeait son regard vert dans le mien comme pour s’assurer de ma sincérité, attentif à tous les détails de ma mise. 

J’étais impressionnée par son érudition, son humour et sa délicatesse dans les relations humaines. Il se montrait aussi affable avec un serveur, un petit vendeur de fleurs qu’avec un notable. 

 

Pour lui, la qualité des relations humaines primait sur les conventions sociales et les artifices de la société de plus en plus gangrenée selon lui par l’image et l’argent.

Il savait regarder au-delà des apparences, se préservant du mauvais œil auquel il croyait.

Toutefois, par courtoisie, il savait sauver aussi les apparences pour ne pas embarrasser ses proches.

 

Plus tard, il nous regardait tour à tour Etienne, mon époux et moi-même, avec affection et malice. Malgré le poids des souvenirs, ses yeux pétillaient quand il nous racontait ses aventures aux quatre coins du monde ou qu’il se mettait à fredonner une vieille chanson d’Edith Piaf ou de Zarah Leander.

 

Il y a quelques semaines, au Victoria, le restaurant où nous dînions ensemble le dimanche, avec Etienne,  de nouveau nous avions eu cet échange de regards. Mais cette fois, il n’avait pas insisté. Il avait presque baissé les yeux.

Je n’avais rien dit, mais j’avais deviné qu’il souffrait. 

 

Il avait compris que j’avais compris.

Il attendait le coucher du soleil pour retrouver sa retraite.

Esquiver les regards apitoyés.

Et surtout les scanners.

Aujourd’hui, il est retourné vers la Lumière, nous laissant le rayonnement de sa présence, de son rire et de ses livres. 

Des photographies de sa jeunesse le représentent comme un « beau ténébreux ».

 

Mais pour Etienne et moi, Gerald est une comète scintillante des mille feux des gemmes dont il chérissait les vertus : vert malachite et bleu lapis-lazuli, beau comme une sculpture égyptienne, à jamais indestructible dans l’hypogée de nos cœurs.