À vue, dernier recueil de poèmes en prose de Raymond Beyeler, poursuit l’exploration intérieure du poète Valéry Larbaud (1881-1957), grand voyageur lui-même.
Bipartite, le recueil rend en effet hommage aux « villes », fleurons d’une modernité appréciée (Baltimore) ou recréée (Parme). Le souci de délicatesse explique peut-être le choix de la prose pour rendre plus vivante la matière de ces cités, ainsi que leurs œuvres.
Derrière les « masques singuliers » perce l’angoisse de perdre l’écriture, cette « substance » qui « fait des gestes », « apprend à penser ». À cet égard, mon poème préféré s’intitule « Der verlorene Buchstabe » (La Machine à écrire perdue). Beaucoup plus que l’éloge de l’outil, le poète fait le constat de notre époque où « le verbe n’imprime plus, la ponctuation s’annule ».
Au-delà des poses et des rôles, le poète montre la voie de l’authenticité, celle de la « miséricorde », tandis qu’il tente de « perpétue(r) l’amour des signes ». La seule action de ces témoignages réside dans cette exploration intérieure où la « vue » se convertit en traces. Le poète fait résonner médiation entre les sens et méditation du Beau suprême.
Raymond Beyeler vit et travaille à Paris. Il est aussi comédien et auteur de nombreux recueils de poèmes, la plupart primés.