Quand je serai grand, je serai mort, contes déliquescents, Nicolas Liau, préface de Claude Lecouteux et postface de David Dunais, éditions Flatland, « La Fabrique d’horizons », septembre 2020, 188 pages, 14 euros.
J’avais déjà lu des nouvelles de Nicolas Liau, l’univers du fantastique français étant bien circonscrit.
Paru chez Flatland éditeur, « la fabrique d’horizons », cette édition a été revue par l’auteur. ( première édition en 2020)
Pour les amoureux du fantastique, et les non spécialistes, la postface de David Dunais a le mérite de remetttre ce recueil dans une perspective historique : « Nicolas Liau s’inscrit dans une tradition littéraire« ( p.180)
On rappelle peu la mode de l’inspiration fantastique au XIXème siècle, corrélée au romantisme sauf dans les manuels scolaires. On a oublié la renaissance de l’irrationnel à la fin du XVIIIème siècle sous l’influence de Swedenborg, Saint-Martin ,Martines. Trois illuminés ou trois mystiques selon les perceptions de chacun par rapport à l’ « occulte ».
Nicolas Liau fait revivre tout un pan de cette histoire littéraire, proche de Lautréamont par son écriture poétique de l’excès, proche de Villiers de l’Isle-Adam par la densité philosophique de ses « contes ».
Contrairement à beaucoup de ses contemporains, l’écrivain travaille son style, essaie de se forger un lexique, une syntaxe propre à saisir l’horreur de Thanatos. Cléore, la morte-vivante dans « Lange et linceul » met en abyme le rapport de l’écrivain avec sa muse: « Gare aux mots…! »
Toutefois comme les petits maîtres du XIXème siècle et les écrivains de 1830, il y a dans son recueil une mélancolie faisant écho à la réalité de 2021 : individualisme forcené, prise de pouvoir des personnages féminins sur les autres protagonistes, croyances en déliquescence comme ce couvent en ruines évoqué dans le recueil. Si elle n’est pas nommée, l’actualité affleure par petites touches.
L’écrivain nous incite à ne pas détourner notre regard des montres tapis dans la psyché humaine, dénonçant peut-être les « songe-creux », incapables de vivre ici et maintenant.
Une critique en filigrane de la platitude et de la légéreté agitant nos contemporains ?
Chez Nicolas Liau, lucidité, désanchantement , « rêve noir » composent un alcool fort. Très fort.