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La Vengeance des Perroquets de Pia Petersen
Editions Les Arènes, Paris, 272 pages, 25 août 2022.
Prophétie, cauchemar ou crise salvatrice ?
Les algorithmes sont-ils en train d’empoisonner l’humanité ? Et si la Silicon Valley ne représentait plus le rêve américain, mais l’antichambre d’une machine policière infernale ?
À Los Angeles, Achille, un professeur d’éthique numérique ne donne plus signe de vie à personne. (La description du personnage m’a fait penser au philosophe français Olivier Abel, professeur de philosophie et d’éthique à Montpellier, auteur de L’Ethique interrogative : Herméneutique et problématologie de notre condition langagière en 2000.)
L’un et l’autre possèdent un point commun : ils posent trop de questions.
Avec une pointe de mélancolie, Achille se rend compte qu’il a connu un autre temps : « Ce temps où l’on allait se noyer dans une bibliothèque pour affûter ses connaissances afin de déchiffrer les mystères du vivant est loin derrière nous. L’effort intellectuel a été enterré et, avec lui, l’imagination.» (p.85)
Se sentant en danger, il cherche à protéger la jeune femme qui évolue dans la sphère de l’art contemporain. Circulant entre Los Angeles et Paris, celle-ci va se retrouver au cœur du cyclone, celui de la crise sanitaire et d’une situation apocalyptique.
En acceptant de faire le portrait de Palantir, le magnat du numérique, elle « expérimente la haine » parce qu’elle expérimente en même temps le cynisme de son modèle, emblème du moi-je et du je-fais-ce-que-je-veux. Pour le lecteur, Palantir évoque la folie d’un Big Brother, la démesure d’un hyper riche et le sadisme d’un tueur en série. L’incarnation d’un égocentrisme exacerbé niant l’altérité et les aspirations des autres. Une seule valeur subsiste : l’argent.
Palantir n’arrive pas à museler celle qui cherche à lui dérober ses secrets en fixant ses traits sur une toile. S’ensuit un combat psychique entre deux volontés …
La vitesse narrative et le talent visionnaire de Pia Petersen me font du bien, sans doute parce qu’il ne s’agit pas de la nième prose post- dix-neuvièmiste sur la famille ou la nième marmelade feel-good en tête de gondole, mais d’un roman philosophique. Une série d’interrogations. Cela ne pourrait être qu’une fiction sur la consommation et les boîtes noires ; c’est le miroir de notre époque, la séduction que peut exercer le pouvoir absolu sur les individus, l’amoralité de l’économie, cette science qui nous gouverne tous.
J’aime le style incisif de la romancière, l’humour décalé des titres de chapitres. Ce livre se lit facilement, ce qui ne signifie pas pour autant qu’il est facile à appréhender.
Grâce à Pia, nous découvrons que l’idée de liberté est la plus dérangeante de toutes, en particulier dans un monde où l’on peut effacer toutes vos données. Heureusement cette littérature redonne du souffle à nos accès au réel et nous encourage à aller de l’avant.
Sans pal, sans tir, avec la salve des mots. La vengeance des perroquets, prodrome d’une nouvelle page de l’Histoire ? D’une nouvelle façon d’aborder le langage ? La question ne tue pas l’acte ; elle l’innerve.
Fabienne Leloup
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