Je n’ai pas eu le loisir de rencontrer de visu Céline Maltère, mais nous partageons le même attrait pour le Bizarre, la culture antique et la même exigence stylistique.
La Déception des fantômes, son dernier recueil paru aux éditions La Clef d’Argent, est un régal. Contrairement à beaucoup d’auteurs, happés par leur sujet, Céline Maltère cisèle ses textes sans fioritures et leur imprime un rythme. Excellente nouvelliste, le lecteur ne peut guère présager la fin imaginée par l’auteur. Ainsi, dans « Les punaises », la vraie punaise n’est pas un insecte, mais une jeune femme rancunière. Dans » Lucia », Hécate malgré ses pouvoirs ne pourra sauver son amante de la mort.
Dans ce livre, Céline Maltère renouvelle le registre du fantastique en mêlant dieux et mortels, animaux et êtres humains, vivants et revenants. Ses nouvelles ne sont pas exemptes de cruauté. « La Verrière » offre une variation sur le savant fou au féminin et une descrition du « phlegmon » abominable. Mais l’impression qui en ressort est autre : chaque personnage est intrinsèquement seul.Et surtout chaque personnage semble, à un moment donné devoir affronter l’écart entre sa vision de la réalité et le réel. Supplice, déception. Témoin Gemma, dans la nouvelle éponyme :
« Regardant autour d’elle, Gemma se demanda ce qui l’avait retenue toutes ses années du côté des vivants, à supporter le vide et les reflets vains de l’amour, tous les espoirs déçus ».
Malgré tout, ces textes démontrent la véracité du proverbe latin : fortis imaginatio generat casum ( une forte imagination produit l’événement). Sans doute davantage pour l’auteur que l’on sent passionnée par les mots, « ailes lancéolées », et pleine d’humour:
« J’aurais tant voulu voir quelle tête avait Elsa quand elle tira la langue au peintre, persuadée qu’il voulait l’épouser ».
Céline Maltère connaît bien la langue française, laquelle, ne la déçoit jamais, à notre plus grand plaisir, nous qui sommes peut-être aussi des fantômes souffrant de notre peu de réalité.