Pour commencer 2016 : Colliers de velours aux éditions Otrante : une anthologie médusante!

Pour commencer 2016 : Colliers de velours aux éditions Otrante : une anthologie médusante!

Qui n’a jamais entendu parler du mythe de Méduse ?  

Mais qui se rappelle que Méduse, avant d’être Gorgone, monstrueuse créature à la chevelure hérissée de serpents, se serait vantée d’être plus belle qu’Athéna? Méduse incarne les forces de la nuit et du chaos, à tel point qu’elle poursuivra le philosophe Nietzsche dans sa quête de la vérité et du dionysiaque:

 » La grande pensée comme tête de Méduse : tous les traits du monde se durcissent, un combat mortel et gelé » ( Fragments posthumes, 1884-1885)

 

Plus proche de nous, Florian Balduc, le directeur de la collection méduséenne, aux éditions Otrante, nous livre le premier volume d’une anthologie consacrée aux Colliers de velours, ou plus exactement à des beautés fascinantes portant un collier de velours. Par delà le bien et le mal, tous ces récits échelonnés dans le temps, de 1613, avec Guy Eveling de Horace Smith, jusqu’à 1924, La femme au collier de velours de Gaston Leroux, nous interrogent sur la vérité du mythe de Méduse, sur la volonté de mort à l’œuvre dans le désir de connaissance.

Séductrice plus que tentatrice, l’héroïne méduséenne sacralise et esthétise la mort, même dans les récits plus ancrés dans un contexte historique comme celui d’Alexandre Dumas ou celui d’Hoffman, se déroulant dans le Paris de la Révolution ou de la Terreur. Le ruban ou le collier de velours stylisent la décapitation et sa représentation, offrant ainsi à l’écrivain un support essentiel à sa réflexion sur les limites de la représentation, un fil d’Ariane fantastique qui lui permet de se tenir à distance, pour ne pas faillir à raconter le trouble et l’appel à la violence archaïque, sans s’abîmer dans son regard fatal.

 

Colliers de velours, parcours d’un récit vampirisé, traductions de Seamus Wentzel, éditions Otrante.

Ouvrages disponibles, à commander via: www.otrante.fr

 

 

 

 

 

Source: Flickr

Source: Flickr

 

Récit autour de l’affaire du Pain maudit de Pont-Saint-Esprit: Laurent Mantese, reporter de l’étrange

Récit autour de l’affaire du Pain maudit de Pont-Saint-Esprit: Laurent Mantese, reporter de l’étrange

ob_e456f2_la-couverture-definitiveParu il y a quelques semaines, aux éditions La Clef d’Argent, le récit de Laurent Mantese, intitulé Pont-Saint-Esprit, les cercles de l’enferillustre qu’aujourd’hui la notion de genre, en littérature, est obsolète. Nourri par des recherches historiques autour de l’ergotisme, par des faits réels datant de 1951, l’ouvrage de ce jeune auteur ( né en 1976) remarqué par son talent de nouvelliste, se double de celui de chroniqueur et de romancier.

Inspiré par un contexte historique, celui de l’après-guerre, et par un lieu, une commune « belle et joyeuse », l’auteur montre l’orientation d’un fantastique contemporain, moins ancré sur l’effet, le spectaculaire (loups-garous, zombis etc) que sur l’exploration de zones grises, de terra incognita. Car l’être humain se fabrique souvent son Diable ou ses démons, se modèle des Golem…

Que s’est-il passé en août 1951? Laurent Mantese prend le parti d’un narrateur omniscient pour nous faire revivre l’histoire d’une folie collective. Des villageois ont des malaises, puis des hallucinations, et enfin des crises d’hystérie. Quelle en est la cause? Le pain contaminé? Reste la douleur du survivant, narrateur hanté par « les visages des souffrants, pareils à celui du Christ crucifié peint par Grûnewald dans le retable d’Issenheim ».

De façon subtile, Laurent Mantese utilise l’étrange de ce fait divers afin de lutter contre l’indifférence qui mine souvent nos sociétés citadines, occidentales et contemporaines. L’allusion à la peinture dans ce récit humaniste est un appel à la sensibilité, à notre sensibilité. Au demeurant, l’étrange, le fantastique peuvent être ces outils de réflexion qui secouent la paresse de l’âme. L’ouvrage de Laurent Mantese nous permet de garder l’esprit ouvert, de réfléchir à des phénomènes qui ont existé et qui pourraient se reproduire.

La sensibilité à l’occulte permet de ne rien occulter.

Hommage à Wes Craven

Hommage à Wes Craven

Wes Craven vient de décéder. Le Maître des films d’horreur s’était lancé dans le roman graphique.

Et il était l’auteur d’un roman visisionnaire: Fountain Society. Un récit de la fin des années 90 qui est resté confidentiel sur la mémoire cellulaire et la transplantation de cerveaux. Et que je conseille à tous ceux qui s’intéressent au transhumanisme.wescraven

Greffe de tête… et si c’était vrai ?

Greffe de tête… et si c’était vrai ?

THOMAS ABERCORN, LA PISTE du KOOKABURRA, Paris, éditions Michel de Maule, mai 2015, 301p., 22E.

 

Dans la lignée des grands auteurs de la science-fiction, tels Robert Sheckley (Le temps meurtrier), Robert Silverberg (Résurrections) ou plus proches de nous, dans le temps, K.W. Jeter (DR. Adder), l’écrivain Thomas Abercorn nous plonge dans une aventure inspirée de l’actualité scientifique : la greffe d’une tête humaine sur un nouveau corps… Une actualité qu’il suit régulièrement et qui a nourri deux autres romans: La Protéine du diable, Paris, Lattès, 2001 et Macaques Attack, Paris, L’Archipel, 2003)

Les lecteurs de Paris Match se souviendront du témoignage d’un chirurgien italien sur les progrès de la science en ce domaine, et de la photographie « choc » de leur communication.

Dans une atmosphère de roman à suspens, Thomas Abercorn nous raconte un fait divers qui va vite dégénérer en cauchemar: la police du New Jersey découvre un cadavre hors norme: une tête de femme greffée sur un corps d’homme.  Premier indice: l’enregistrement d’un cri d’oiseau inséré dans la tête du cadavre. Un oiseau australien: le kookaburra.

C’est le début d’une enquête, riche en rebondissements, menée par le FBI qui va obliger son directeur, « Super Flic » à consulter un expert de la neuro-chirurgie, le professeur Hendricks:

« Tout est dans le délai. je vous ai dit qu’un cerveau ne peut pas survivre plus de dix minutes sans apport d’oxygène. il faut donc qu’en dix minutes, la tête à greffer ait été détachée et raccordée au corps. Cela signifie qu’il faut qu’en dix minutes deux personnes vivantes aient été décapitées! »

 

Le FBI désigne des agents qui vont trouver des preuves dans les catacombes d’un monastère de Kiev. La loi de l’offre et la demande s’applique dans tous les domaines, sans éthique. Hommes et femmes de pouvoir vieillissent, et cherchent donc un nouvel élixir de jouvence. Rien de mieux que de s’offrir un corps de mannequin, puisqu’en prime, il permettra, par la loi des vases communicants d’effacer les rides du visage. Alors pourquoi s’en priver?

Comme l’explique une « greffée » à la télévision américaine, une ancienne actrice, Heidi Ekstrom: « À partir d’un certain âge dans ce monde, quarante ou cinquante ans, on ne vit plus, on est en sursis« .

 

Avec beaucoup d’humour noir, un certain goût du sarcasme,un sens de l’intrigue, et une culture scientifique, l’auteur compose un climat personnel d’horreur.

Critique de la marchandisation des corps, du jeunisme, de la « société du spectacle », ce roman nous (dé)montre que des neurochirurgiens, sans scrupules, pourraient littéralement changer la face du monde.

 

rembrandt-lecon-anatomie

Le Fantôme du mur de Jean-Pierre Favard: sur la piste de Marcel Aymé

Le Fantôme du mur de Jean-Pierre Favard: sur la piste de Marcel Aymé

Le Fantôme du mur de Jean-Pierre Favard

Editions la Clef d’argent, 2015, préface de Philippe Curval.

La croyance aux fantômes est immémoriale, universelle, et féconde sur le plan artistique. Nombreux sont les récits ou les films qu’ils ont généré. Citons en écho du roman de Jean-Pierre Favard, le film  » L’aventure de Madame Muir » de J. Mankiewicz, sorti en 1948. En Angleterre, au début du XXe siècle, Lucy Muir alias Gene Tierney, une jeune veuve, décide de s’installer au bord de la mer avec sa fille dans une maison réputée hantée par le fantôme d’un loup de mer,  le capitaine Gregg. Loin de vouloir prendre la fuite , elle est au contraire fascinée à l’idée de cohabiter avec ce revenant. Un soir, il lui apparaît…

 

Dans le récit de Jean-Pierre Favard, le protagoniste, un enseignant d’histoire-géographie, en instance de séparation, s’installe à Dole, dans un « appartement… ancien ». Il découvre la ville , son histoire, ses hommes célèbres dont Marcel Aymé. Cette découverte se double de celle de sa voisine, Madame Angèle qui vit elle-aussi avec son fantôme. Une veuve qui regrette son amant … Un amant tué par un mari alcoolique et violent. D’où une mise en scène de l’insolite et du fantastique qui fait ressortir la solitude et la détresse des personnages mis au pied du mur. Par la mort. Ou par le divorce.

 

C’est ce qu’on appelle aussi en littérature, un « tombeau ».

ob_50d25b_lfdm-recto

Le dernier roi des elfes de Sylvie Huguet: la nostalgie d’une harmonie avec la nature

Le dernier roi des elfes de Sylvie Huguet: la nostalgie d’une harmonie avec la nature

ldrde_vignette

LE DERNIER ROI DES ELFES

Sylvie Huguet, éditions La Clef d’argent, collection KhRhOnyk, 113 p., 7 E.

 

 

Dans une atmosphère de merveilleux chrétien, de paganisme, l’écrivain chevronné Syvie Huguet, auteur de cinq romans et de cent-cinquante nouvelles, nous raconte la lutte entre deux mondes, celui des « elfes » et celui des humains.

L’intrigue est simple : Ilgaël, roi des Elfes, sauve et adopte Lindyll, un enfant humain, lors d’un pillage. Mais d’une fausse simplicité. Au fur et à mesure que des liens plus étroits se tissent entre les deux personnages, l’écrivain nous fait réfléchir à la notion d’altérité.

Une réflexion portée par un souffle épique, avec des accents de lyrisme toujours maîtrisé. Ce roman court est remarquablement écrit, nous faisant pénétrer de plain-pied dans la forêt des origines, territoire des elfes et des loups.

Comme l’explique le roi à la fin du roman, à ses guerriers: « La forêt est notre forteresse« .

Une forteresse non expugnable.

La forêt où vivent les elfes, où apprennent à s’aimer Ilgaël et Lindyll est un rêve. Néanmoins il s’agit d’un rêve significatif, l’imaginaire végétal de Sylvie Huguet y exprime une nostalgie récurrente : la perte de contact avec l’Anima Mundi, l’Ame du monde.

En écho à C.J Jung, dans L’Ame et la Vie:

« L’oubli de la dangereuse autonomie de l’inconscient et sa définition purement négative comme absence de conscience reflètent l’hypertrophie moderne du conscient(…) S’écarter des vérités de l’instinct conduit à l’agitation névrotique que nous connaissons aujourd’hui ».

En tout cas, le lecteur reste sous le charme de « la forêt captive » et de ses « sortilège(s) », pleine de bruissements.