Fabienne m’offre d’écrire, écrire pour un corps fantôme peut-être ? Alors, je ramène ma science, occulte pourquoi pas, si affinités ? Aussi agréable qu’il puisse être, s’il s’agit bien là du négoce du corps, c’est de celui de mes lettres dont il est ici question et si vous leur trouvez, à terme, mauvais caractères, c’est qu’elles servent dans leurs propos plus souvent la science évite que l’infuse.
La science a son pré carré, où s’entassent les certitudes de ceux qui viennent y certifier les leurs. La poésie a son Prévert, ceint de barrières singulières, à un seul côté, pour un champ libre, sans limites.
Hier, chamanes, mages et enchanteurs, en connaissance de ce qui y était inscrit soignaient, cœur et âme, le corps. Aujourd’hui, dans une lecture induite pour trouver des réponses aux questions qui les imposent, dans un tout où l’infime se doit d’être essentiel, on cherche la petite bête pour soigner la grosse.
Alors mes mots, sans ordonnance, ont décidé de commettre cette lettre de cachet afin de mettre à mal ce qu’on nous dit le soigner. Souvent, dans mes vers, solitaire j’y pose, aux méandres de leur parcours, quelque onguent, comme on laisse des cailloux dans l’espoir d’un retour, ici sur soi, une thérapie qui va de mal en patience, plus alchimique que chimique, plus pierre philosophale que remède de cheval, ces cailloux.
On soigne mon mal de tête sans se soucier de ce qui l’encombre, on supprime la douleur sans en soupçonner la cause, omettant d’instruire pour trouver des indices sur la gêne, là où il n’y a pas de plaisir. « Ne touche pas à ma migraine, si tu me l’ôtes, ma tête restera celle, en l’ignorant, de son amphitryon, trié sur le volet des souvenirs qui se blottissent dans l’ombre ! » On se préoccupe alors plus de la forme que du fond, plus de ce qui est induit que de ce qui est inscrit, plus du mal que des maux.
Prescription face à ceux qui ramènent leur science pour compléter ce qui leur parait insuffisant, au point d’occuper tout l’espace à en chasser ce qui y était essentiel :pas science et longueur de temps, avant, pendant et après les repas.
Marc JITIAUX testé positif au PCR, Poquelin, Corneille, Racine.
Prix Goncourt, le dernier roman d’Hervé Le Tellier, L’Anomalie, est composé comme une fugue, autour d’un vol aérien. Le même avion parti de Paris (Air France 006) à destination de New York, se posera deux fois, à quatre mois d’intervalle. Des destins se croisent. Par exemple Blake, le tueur, Joanna, l’avocate ou Victor Miesel, l’écrivain mondain.
Le terme d’ « anomalie » choisi pour le titre désigne un défaut de logique. La littérature permet de mettre en fiction ce qui échappe à l’observation ou la modélisation. Les mathématiques et les sciences sont convoquées dans la fiction pour expliquer ce défaut devenu une énigme. L’auteur met en scène des scientifiques, en particulier deux prodiges : » Adrian(…)un très jeune probabiliste » de 20 ans et sa collègue Tina qui « recensent toutes les variables qui peuvent affecter le trafic aérien ». (p.105) Il nous montre les tâtonnements, le quotidien d’une cellule de crise au Pentagone et la perplexité des chercheurs face à l’inexplicable. L’un d’eux explique au Président des U.S.A que notre « réalité est une construction, et même une reconstruction ». (p.165) En éliminant les hypothèses une à une, les chercheurs finissent par avancer celle de « la simulation informatique ». (p.166)
Le roman d’Hervé Le Tellier montre la fin d’une époque où les êtres humains se sentaient pleinement vivants et croyaient pouvoir dominer la Nature avec la technologie. Le souvenir d’Hiroshima et des catastrophes nucléaires n’ont pas été effacés et reviennent dans cette fiction douce-amère sur ce qu’on nomme culture, et même « humanité ».
Sommes-nous des « programmes » ? En tout cas, chaque passager, en étant plongé dans une faille temporelle, est confronté à sa finitude, et à son double. Dans un roman fantastique du XIXème siècle, l’être humain parviendrait à se rendre compte qu’il s’agit d’un automate ou d’un fantôme. Dans un roman de science-fiction contemporain, il se battrait contre un robot ou une Intelligence artificielle.
Ici, c’est plus insidieux et anxiogène, car les techniques informatiques nous font douter de notre réalité même. Sommes-nous des humains ou des anomalies ? Notre devenir nous échappe, ainsi que notre mort. Comme le contrôleur aérien du roman, le lecteur se pose la question du « qui est (aux commandes….) ? » Ou quoi ?
Hervé Le Tellier, L’Anomalie, Paris, Gallimard, 2020, 327 p.
Avec le Covid-19, nous avons l’impression que la science-fiction colle de plus en plus à la réalité. Que dire en lisant cette annonce du ministère des Armées ?
En France, le ministère des Armées vient de lancer le dispositif « RED TEAM ». Un projet mûri depuis 2019 dans le Document d’orientation de l’innovation de défense. Cette équipe « rouge »- couleur de la planète Mars – sera composée, de scientifiques, de futurologues et d’écrivains de science-fiction dont certains participeront sous pseudonyme.
La première transfusion de sang artificiel a été faite en septembre 2011 par un médecin français, le Pr Luc DOUAY. (ancien chef de service du labo d’hémato de Saint Antoine.) Il a utilisé des cellules souches prélevées dans la moelle osseuse ou dans le sang du cordon ombilical. Actuellement, on parle beaucoup du covid 19 et des virus, mais l’hématologie, science du sang reste un domaine médical lourd de sous-entendus et d’ambivalences.
Une des raisons que j’invoquerai est la prégnance d’un imaginaire très fort, marqué religieusement et culturellement depuis la Préhistoire et l’Antiquité.
Historiquement, il aura fallu attendre le XVII ème siècle, 1623, pour connaître le schéma de la circulation du sang du cœur vers les organes grâce au médecin anglais William Harvey, et le XX ème siècle pour savoir transfuser le sang humain sans danger…
Toutefois, au XXième siècle, le sang reste un matériau vivant, complexe. Avec la biologie moléculaire, l’hématologie a franchi d’autres portes, d’autres seuils. Nous connaissons mieux aujourd’hui les maladies héréditaires du sang comme l’hémophilie ou la porphyrie. Le brillantissime thriller de Franck Thilliez, auteur consacré du genre, intitulé Sharko (Paris, éditions Le Fleuve, 2013) revivifie le mythe du vampire grâce à l’apport de connaissances scientifiques sur le sang. Il a interrogé plusieurs chercheurs pour imaginer son serial-killer, Nosferatu, victime d’une maladie contractée en Nouvelle-Guinée : « Il était devenu un être au visage déformé, mi-homme, mi-vampire, atteint d’un mal caché, mortel, dans ses gènes, qu’on ne pouvait plus soigner qu’à coups d’innocents et d’injections de sang ». Dans une postface, il insiste sur le fait que ce qui est « décrit autour du sang – son histoire, ses maladies,le circuit du don… est vrai ».
A rebours de l’image des savants fous, omniprésente dans la science-fiction, l’image du savant valorise la narration du roman policier, le cautionne en lui donnant plus d’épaisseur et en même temps de relief dramatique. La réalité est pire que le mythe de Dracula… Mythe immémorial, le sang dans la fiction reflète nos préoccupations dans le domaine de la santé et de l’identité.
Pour cette nouvelle rubrique de mon blog, j’ai demandé à un(e) auteur(e) de me parler de son rapport à la science et de son rôle dans la construction de son imaginaire.
Je commence par mon amie Céline Maltère, professeure de lettres classiques le jour et romancière la nuit.
Céline a construit un univers médiéval et gothique autour d’une reine, Kationa qui rappelle les figures historiques d’Elisabeth Bathory, de Catherine II de Russie ou le personnage de Cersei Lannister dans la saga Le Trône de fer, écrite par J.R Martin. Cette reine a un royaume « dédié uniquement aux femmes, ainsi que (s)a couche et (s)es désirs ».
Dans ce nouvel opus, Les Rhinolophes, qui vient de paraître aux éditions Les deux crânes, une femme envoie des lettres d’amour par des des « rhinolophes », des chauve-souris qu’elle a dressées à la reine Kationa. Ces animaux « à visage de cochon « existent et lui ont donné l’idée de les utiliser comme messagers. Céline s’intéresse aux sciences naturelles car elle trouve que la nature en elle-même est fantastique.
Pour elle, la science s’apparente à la magie. Aussi, dans un précédent roman, La Science des folles, la savante dite Katia Trismégiste ( écho à Hermès Trismégiste) est une femme qui fait des recherches pour satisfaire ses besoins personnels, sa quête narcissique de beauté et de jouvence.
Dans son œuvre, la figure du savant est souvent féminine. Si elle reprend l’image du savant fou, ce n’est pas pour ridiculiser la science ou la rabaisser, Céline Maltère s’interroge sur l’éthique au cœur de ces recherches aux frontières de l’inhumain. Simplement pour elle, le Beau reste toujours lié au Bizarre. A l’image de ses chauve-souris, inspiratrices de ce recueil de lettres d’amour et d’exil, « drôles d’anges et messagers ».
Magie des mots…
Céline met en images la science, nous faisant partager ses battements de cœur… Ou plutôt ses battements d’ailes vers le royaume d’Othilie, royaume d’une science cachée, l’alchimie omniprésente dans ses textes.
L’histoire d’une conquête amoureuse magnifiquement illustrée par son complice Jean-Paul Verstraeten. Écho de ses préférences amoureuses ?
A voir ! Conférence diffusée en direct le 13 nov. 2020.
Ils traquent les exoplanètes, la formation des bactéries extraterrestres, poussent la notion de « vie » dans ses retranchements. On les imagine penchés sur des relevés de données obscures, recherchant la moindre variation de luminosité, analysant un pixel sur une image satellite… Mais on les retrouve parfois au sommet des Andes, pour des plongées extrêmes afin de se rapprocher des conditions sur Mars. Rencontres avec ces chercheurs passionnants, rêveurs de l’extrême tous animés d’une même certitude : la vie existe, hors de la Terre.
Nathalie Cabrol, directrice du Centre Carl Sagan pour l’étude de la vie dans l’univers au sein de l’institut Seti, astrobiologiste, plongeuse « de l’extrême », spécialiste de la recherche de la vie sur Mars et du changement climatique – en visioconférence avec Roland Lehoucq, astrophysicien au département d’astrophysique du CEA de Saclay, président des Utopiales, le festival international de science-fiction de Nantes , Franck Selsis, chercheur CNRS au laboratoire d’astrophysique de Bordeaux.
Modérateur : Guillaume Grallet, rédacteur en chef Tech, Sciences et Santé au Point
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